mercredi 30 septembre 2009

"Pas de quartiers pour les homos"

A deux pas des centres-villes, les jeunes gays et lesbiennes des cités vivent un enfer social.


Majid est comme Superman, il a deux identités, dont l’une doit à tout prix rester secrète. Et pour cela, il a deux portables, change d’habits quand il sort du métro, ment à ses proches. Il feinte, il louvoie, il prend des risques. Pourtant Majid ne sauve pas des vies, à peine réussit-il à vivre la sienne. Il est gay, habite un “quartier” et c’est tout de suite moins drôle qu’Elton John qui part faire des concerts-adoptions en Ukraine.

Majid est l’un des jeunes homos qui a accepté de témoigner dans Homo-ghetto*, le livre que Franck Chaumont, ancien journaliste à Beur FM et RFI, consacre aux gays et lesbiennes dans les cités. Une galerie de récits qui dévoile les trajectoires schizophrènes et solitaires de jeunes qui évoluent dans des microsociétés dominées par un virilisme exacerbé et l’homophobie. “L’idée de ce livre m’est venue en 1997 quand, à l’occasion de l’Europride, j’avais organisé une émission sur l’homosexualité à Beur FM. Les réactions des auditeurs ont été d’une violence inouïe qui m’a laissé sans voix”, raconte Franck Chaumont. “Alors qu’à l’époque, avec le pacs, les homos des villes accédaient à une certaine normalité, à quelques stations de RER, des jeunes vivaient l’enfer.” Un enfer social où, dans un contexte de surveillance permanente, un simple soupçon d’homosexualité peut valoir agressions et exclusion (Majid raconte qu’il a dû changer de voiture parce que sa plaque d’immatriculation comportait les lettres SB, comme “suceur de bites”).

Mais la lutte est aussi interne pour ces gays, obligés de jouer les durs en public jusqu’à participer à des agressions homophobes pour certains. Et qui ont d’autant plus de mal à accepter ce qu’ils sont que cela revient à renier la culture qui les entoure et les constitue. “Contrairement à ce qu’il se passe ailleurs, la situation régresse dans ces quartiers en repli, où la modernité ne pénètre pas”, constate Franck Chaumont dont la quête de témoignages s’est avérée plus que laborieuse. Et comme les clichés ne sont pas l’apanage de la banlieue, ces jeunes péri-urbains subissent souvent une “double peine” quand ils découvrent le milieu gay, où ils sont souvent l’objet de fantasmes à la “ouaich, cousin, prends-moi dans ta cave”, et vite perçus comme des putes. “L’homophobie dans les banlieues est principalement due à des amalgames et à une réelle ignorance de l’homosexualité”, analyse l’auteur.

Réjouissons-nous alors que l’association SOS homophobie, qui relevait en 2005 que 46 % des témoignages d’agressions physiques qu’elle recevait émanaient de banlieue, vienne d’être agréée par le ministère de l’Education nationale pour intervenir en milieu scolaire.


*Homo-ghetto – Gays et lesbiennes dans les cités : les clandestins de la République (Le Cherche-Midi), 202 pages, 15 €.


Source : Les Inrocks.com, le 30.09.2009, Hugo LINDENBERG (à retrouver sur http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/article/pas-de-quartiers-pour-les-homos/)

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