mardi 30 mars 2010

"Être né en France d’un parent immigré"


En 2008, 3,1 millions de personnes âgées de 18 à 50 ans, nées en France métropolitaine, sont enfants d’immigrés. La moitié d’entre elles ont moins de 30 ans. 50 % ont deux parents immigrés, 20 % sont descendants d’immigrés uniquement par leur mère et 30 % uniquement par leur père.

La moitié des descendants directs ont un parent immigré né en Europe et quatre sur dix sur le continent africain, essentiellement au Maghreb. Les descendants les plus jeunes ont des parents d’origines plus variées et plus lointaines. Les enfants d’immigrés de 18 à 30 ans ont une fois sur deux une ascendance africaine.

La répartition régionale des descendants s’écarte peu de celle des immigrés. Ainsi, un tiers des descendants âgés de 18 à 50 ans sont franciliens.

Près du quart des descendants ayant la nationalité française ont au moins une autre nationalité.

Pour la grande majorité des descendants, la langue française a été transmise dans leur enfance par au moins un de leurs parents. À la génération suivante, les descendants devenus eux-mêmes parents parlent français avec leurs enfants vivant en France, dans 99 % des cas.


Source : Insee Première, n°1287, mars 2010.

Le rapport complet est disponible sur : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1287

Également en pdf : http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1287/ip1287.pdf

lundi 29 mars 2010

Human-chain protest held against third bridge in Istanbul


A group of people protested Sunday a planned third bridge over the Bosphorus Strait that connects Istanbul’s European and Asian sides, daily Cumhuriyet reported Monday. Members of the Platform for Life Instead of a Third Bridge formed a one-kilometer-long human chain to protest plans to build a new bridge over the waterway. The group held hands and walked in a line on Büyükdere Street near the Tarabya neighborhood of Istanbul’s Sarıyer district to protest the project, which they say will destroy forests in the northern part of the city. Posters carried by platform members read: “No Forest, No Water,” “Third Bridge Means Destruction,” “Not Bridge, But Human Life” and “Capital, Go Away; Istanbul is Ours.” Members of the Chamber of Forest Engineers, the Chamber of Construction Engineers and the Chamber of City Planners were among the protesters. Turkey’s general director of highways, Cahit Turan, had said during the first week of February that Beykoz-Tarabya and Sarıyer-Yuşa Hill were the possible routes for the third bridge connecting the city’s two sides. Experts say the use of these routes would damage the area’s forests since the highways connected to the third bridge would pass through the city’s wooded areas, according to a 10-page report published by Istanbul University’s Forest Faculty.

Source : Daily News and Economic Review, Turkish Press Scan, 29.03.2010 - from Cumhuriyet (URL : http://www.hurriyetdailynews.com/n.php?n=0329083154616-2010-03-29)

A Turkish teacher sued for cultural diversity project in class


A high school teacher who conducted a project to raise awareness and understanding among different ethnic groups and cultures has been sued for allegedly making propaganda for the outlawed Kurdistan Workers’ Party, or PKK, daily Habertürk reported Monday. As part of sociology lessons at a high school in Istanbul, teacher G.F. asked students to give presentations on the cultures of Roma, Kurdish, Laz, and Syriac people. While a student of Kurdish origin was making a presentation in class, another student reacted, saying, “You are talking about Kurdish culture but we have martyrs dying in the mountains. What do you have to say about that?” and then adding, “There is no such language as Kurdish.” The student’s response led to a debate facilitated by the teacher, who urged tolerance and used the state’s TV channel broadcasting in Kurdish as an example. Shortly after this incident, the student who initiated the argument brought the issue to Internet forums; counter-terrorism police units were informed and began an investigation into the teacher. A criminal case has been opened against G.F. even though the government and the Ministry of Education sent a notice to schools five months after the incident, encouraging teachers to promote fraternity to prevent discrimination.

Source : Daily News and Economic Review, Turkish Press Scan, 29.03.2010 - from Habertürk (URL : http://www.hurriyetdailynews.com/n.php?n=0329083154616-2010-03-29)

Les musulmans non pratiquants de Turquie sous pression


Les musulmans non pratiquants en Turquie subissent des pressions pour porter le voile, assister à la prière du vendredi et jeûner pendant le Ramadan s’ils veulent des emplois au gouvernement ou des promotions, selon ce qu’a constaté une étude.


Certains Turcs laïcs sont en train de changer leur mode de vie pour paraître en phase avec le parti islamique au pouvoir du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, selon l’étude réalisée par l’Open Society Institute et l’Université Bosphore d’Istanbul. L’étude, basée sur des entretiens avec 401 personnes dans 12 provinces turques, est la première à confirmer les craintes de certains Turcs laïcs que l’islam politique a une incidence sur leur vie. Nihat Ergün, un haut responsable du parti de Recep Tayyip Erdogan, a rejeté les conclusions du rapport, affirmant que le parti n’exerce pas de pression ou de discrimination envers les non-pratiquants. « Le portrait présenté dans l’étude ne reflète pas les réalités de la Turquie », a dit Ergun. « Même dans notre parti, nous avons des femmes voilées travaillant au côté de femmes non voilées et personne ne s’est jamais plaint de subir des pressions ». La recherche indique que l’islam politique conservateur semble avoir gagné en influence depuis l’arrivée au pouvoir du Parti Justice et développement de Erdogan en 2002 dans le pays à majorité musulmane mais officiellement laïque. La recherche donne plusieurs exemples de pressions exercées sur des femmes pour les inciter à porter le foulard islamique et de personnes battues ou réprimandées pour avoir fumé ou ne pas avoir jeûné pendant le ramadan. Certains propriétaires de commerces se sentent obligés de fermer pendant la prière du vendredi et beaucoup se sentent poussés à accomplir le pèlerinage à La Mecque, affirme le rapport. Le parti de Erdogan nie avoir un agenda islamique et cite comme preuve ses réformes de style occidental pour faire avancer l’accession de la Turquie à l’Union européenne. Plus tôt cette année, cependant, la parti a échappé de peu à la dissolution par le plus haut tribunal du pays pour atteintes au principe de laïcité. « Nous ne pensions pas que nous serions confrontés à un portrait aussi inquiétant quand nous avons entamé cette recherche », a déclaré le Prof Binnaz Toprak, qui a dirigé l’étude, au journal Hurriyet dans une interview publiée dimanche. « Ils doivent donner l’impression d’être proches du parti au pouvoir même si, dans leur for intérieur, ils pensent différemment. » Le porte-parole du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan s’est refusé à tout commentaire sur le rapport.

Source : Jean-Marie Lebraud, Turquie News, 13.02.2010 (URL : http://www.turquie-news.fr/spip.php?article3614)

dimanche 28 mars 2010

La mue des turcophiles de Turquie Européenne


La Turquie change profondément. Turquie Européenne doit s’adapter. 2004. La polémique sur l’adhésion de la Turquie bat son plein en Europe, en France. La date de début des négociations d’adhésion approche et l’UE se cherche une position défendable. Elle se débat dans un double paradoxe.

- Celui d’un nain politique élargi aux dimensions d’un continent, suscitant des attentes et des espoirs qui la dépassent et la rendent d’autant plus désespérante.

- La question turque vient la cueillir alors que, tout légitimement, se pose celle de la place de l’UE dans une globalisation qui vient d’essuyer le choc du 11 septembre : comment éviter le choc des civilisations et faire face à la montée des sentiments anti-islam partout sur le vieux continent ? Équation délicate s’il en est.

Les enjeux sont énormes, les passions déchaînées. D’un côté comme de l’autre. On entend toutes sortes d’arguments éculés et erronés concernant les risques présentés par une candidature turque, plus généralement par la Turquie. Des simplifications éhontées, des explications sommaires, un vrai processus de diabolisation entre des Européens, des Français certains de défendre, de faire valoir une certaine identité et des Turcs tout aussi assurés de défendre cette européanité qui constitue une part importante de leur propre identité. Et qui dit identité, dit passion.

Turquie Européenne (TE) est fondée à cette date, dans ce contexte. Avec cette envie qui nous brûlait les lèvres et les esprits, de dire, d’expliquer la Turquie que nous connaissions, que nous aimons. Autre cri du cœur. Mouvement largement spontané et inorganisé, l’élan Turquie Européenne a pourtant su se maintenir sur la durée. De part et d’autre, les arguments ont été fourbis, travaillés, élaborés, critiqués. Les positions ont parfois bougé, des lignes se sont estompées, d’un côté comme de l’autre lorsque le débat parvenait, entre deux échéances électorales, à échapper à ce surplus de passion qui a pu parfois nous desservir tout autant que nos contradicteurs.

Mais voilà après tant d’années, la persévérance de Turquie Européenne l’a maintenue dans le débat, de moins en moins dans la polémique, de plus en plus dans l’information, l’éclairage, l’observation des processus à l’œuvre en Turquie. Et insensiblement Turquie Européenne a changé, malgré elle, à l’image de cette Turquie qui mute sous nos yeux. De la défense de la pertinence d’une candidature turque à l’UE, TE est passée à l’éclairage des processus à l’œuvre dans la société turque – montée de la société civile, démocratisation, urbanisation, … - pensant à juste titre que la meilleure chance de la Turquie pour une éventuelle adhésion se tenait précisément dans ces processus d’émergence.


Une inflexion majeure

Aujourd’hui après six ans d’existence, TE ne peut plus envisager son action et son discours de la même façon que trois ou quatre ans plus tôt. L’inflexion majeure s’est produite en 2007. Le 19 janvier de cette année, le journaliste Hrant Dink était assassiné. 200 000 Turcs descendent dans la rue pour ses obsèques. Personne n’a encore mesuré l’ampleur de l’inflexion : c’est un geste massif, majeur et spontané de la société turque. Les grands ordonnateurs qui avaient jusque-là présidé aux mobilisations populaires en Turquie - jouant le plus souvent sur les passions identitaires - sont soufflés, incrédules. Ils nient l’évidence. C’est la preuve même de cette spontanéité qui fait d’un tel geste un geste fondateur pour la Turquie démocratique et civile. En janvier 2008, éclatait l’affaire Ergenekon. Entre temps, l’armée avait tenté de ramener les civils à la raison par un mémorandum électronique qui fit long feu et provoqua un nouveau triomphe électoral du parti au pouvoir l’AKP en juillet 2007.

Deux ans plus tard, il ne reste plus grand-chose du régime de tutelle imposé par l’armée au pays. Quelques résistances d’arrière-garde. La parole et la presse n’ont jamais été aussi libres en Turquie, dynamitant peu à peu tout ce que cette tutelle militaire et mentale avait bétonné au fil des décennies. Ce sont des idées, des propositions, des notions nouvelles qui parcourent l’espace public, suscitent des débats virulents, sont critiquées puis reprises par les institutions, des idées qui contaminent et dictent elles-mêmes l’agenda d’un pouvoir AKP désorienté, dépassé, conservateur et assez peu imaginatif, sentant confusément la nécessité de suivre, d’épouser le mouvement qui, d’une façon ou d’une autre, lui assure son maintien au pouvoir tout en le condamnant à un dépassement (une scission ?) rapide et inéluctable.

Des processus de mutation violente balayent la Turquie : voilà ce qui occupe son agenda, bien plus et bien plus profondément que l’agenda européen qui l’occupait il y a encore 4 ans. La question turque n’est plus européenne, plus exclusivement : elle est turque, elle est globale. Comment la Turquie plongée dans ce grand bain de l’économie, du spectacle, des valeurs globales (la démocratie libérale, la démocratie et le marché global qui imposent leurs systèmes de sens) va-t-elle franchir ce cap ? Nous nous sommes longtemps demandé si après l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir en 2007, la candidature turque et le processus d’adhésion avaient encore quelque pertinence. Si l’existence de TE avait encore un sens. Mais la problématique n’est assurément plus celle-ci. La Turquie n’a plus besoin de l’Europe, de la garantie européenne pour assurer et pour initier des dynamiques internes de modernisation qui, aujourd’hui, tournent à plein dans le pays.

Et la question européenne n’est plus celle de la candidature turque. Elle est avant toute chose celle de l’invention d’une cohérence politique sans laquelle le projet européen ne survivra pas et sans laquelle la candidature turque n’aura pas de sens politique. Mais la recherche de ce projet politique n’est assurément plus celui des pères fondateurs, celui de la paix continentale ; non il s’agit aujourd’hui de la recherche urgente d’un minimum de cohérence et de volonté politique face à ce grand chaos des émergences et des renversements de valeurs vécus dans le bouillon de la globalisation.

La Turquie aux portes de l’Europe, et l’Europe aux portes de la Turquie sont donc confrontées à des problématiques convergentes. Voilà ce qu’il nous revient, à nous TE, d’éclairer aujourd’hui pour que d’ici dix ans, nous puissions avoir les moyens de déterminer si cette convergence peut revêtir une traduction politique, à savoir une adhésion de la Turquie au projet européen.

Pour les deux protagonistes voici la promesse d’une décennie d’énormes défis. Qui saura le mieux les relever ? Les relèveront-ils l’un sans l’autre ?


Source : Turquie Européenne, 24.03.2010 (à retrouver sur : http://www.turquieeuropeenne.eu/article4115.html)

mardi 23 mars 2010

Grandir la peur au ventre, au milieu des pierres ...

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Source : LeFigaro.fr, rubrique 24 heures photo, 23.03.2010 (à retrouver sur http://www.lefigaro.fr/photos/2010/03/22/01013-20100322DIMWWW00737-24-heures-photo.php)

À quoi ressemble un président de région français ?


Les élections régionales ont livré leur verdict, on connaît désormais les noms de ceux qui devraient diriger les 22 régions de France métropolitaine. A quoi ressemble le portrait robot de ces élus ?


Avant de commencer, notons que 20 des 22 présidents de région ont été réélus dimanche 21 mars, et que par conséquent le portrait robot du président de 2010 n’est pas très éloigné de celui de 2004, date du dernier scrutin, même si quatre ont changé en cours de mandat entre 2004 et 2010 (pour cause de décès ou autres). Autre précision, Paul Giacobbi, chef de liste de l’union de gauche qui s’est imposée en Corse, ne dispose pas d'une majorité absolue et devra attendre l'élection du président du conseil jeudi 25 mars pour être assuré de sa victoire.


Le président de région est (très) vieux


Le président de région a en moyenne 62,8 ans, soit bien au dessus de la moyenne d'âge des Français qui est de 40 ans, voire des députés (55 ans). Pour être gentils, on dira que cet écart s’explique par le fait qu’il faut avoir 18 ans pour être candidat à ce poste. François Bonneau (Centre) est le plus jeune président de région (56 ans), talonné de quelques jours pas Ségolène Royal (56 ans également). Le doyen des 22 élus est Martin Malvy (Midi-Pyrénées) du haut de ses 75 ans.


Le président de région est un homme


Les listes ont peut-être été mises au point dans le souci d’une plus grande diversité, cela ne se retrouve pas chez les têtes de listes gagnants: on compte seulement deux femmes parmi nos 22 présidents de région, Ségolène Royal et Marie-Guite Dufay (Franche-Comté), soit seulement 9%. La représentation des femmes à la tête des régions est encore pire que celle du Sénat, qui n’est pourtant pas un exemple de représentativité avec 21,9% de femmes, et qu’à l’Assemblée nationale avec 18,5%.


Le président de région a fait beaucoup d’études, il est professeur ou avocat

Sept de nos présidents ont fait Sciences-Po, tous à Paris sauf Jean-Jack Queyranne, qui est resté fidèle à sa région et a fait l’IEP de Lyon. Parmi eux, deux seulement ont continué la voie royale de la haute administration française en passant par l’ENA, Ségolène Royal et Jean-Paul Huchon. Neuf présidents ont travaillé dans l’éducation, que ce soit en tant qu’instituteur, professeur, principal de collège ou encore conseiller d’orientation. Comme souvent dans chez les élus, beaucoup ont étudié le droit ou ont pratiqué le métier d’avocat. Heureusement, François Patriat (Bourgogne) offre un peu d’originalité avec sa formation de vétérinaire. Mauvais élève de la classe, Claude Gewerc (Picardie) n’a «que» le bac et une première année d'étude supérieure en publicité.


Le président de région entame son deuxième mandat


Comme nous l’évoquions en introduction, la très grande majorité des présidents sont réélus. En moyenne, ils sont en poste depuis 6,4 ans. Le président de région type a été élu pour la première fois lors des dernières régionales en 2004 , et va donc entamer son deuxième mandat (ils sont dix dans ce ca là).


Le président de région n’est pas né dans la région qu’il représente

Seulement 8 présidents sont nés dans la région qu’ils représentent. La palme de l’éloignement revient à Ségolène Royal, née à Dakar. Claude Gewerc (Picardie) est l’autre président à être né à l’étranger : il est né dans un camp de transit à Bergen-Belsen, en Allemagne, au sortir de la guerre. Si la région qui a vu naître le plus de présidents est sans surprise l’Ile-de-France, centralisation oblige, avec quatre représentants, le Centre est un vivier plus improbable avec trois natifs. Comme le dit le slogan de la région, «Dans le Centre, c’est vous le centre».


Le président de région est blanc

Cette catégorie est illégale, les statistiques ethniques étant interdites en France. Pourtant, pas besoin de graphique ici: on ne retrouve aucun représentant des minorités «visibles» à la tête des 22 régions françaises. Le candidat noir du MoDem en Ile-de-France Alain Dolium, qui n’a recueilli que 3,98% des votes au premier tour, avait mis son échec sur le compte des médias, leur reprochant notamment de l’avoir enfermé dans les habits d’un «Obama français». Médias, partis, électeurs… qui est coupable? Quoiqu’il en soit, le constat est là: la France n’est toujours pas prête à confier une région métropolitaine à une «personne de couleur». Pour le président de la République, on repassera.

Source : Slate.fr, Rubrique Les Personnalités, Grégoire Fleurot, 22.03.2010 (à retrouver sur http://regionales2010.slate.fr/article/5455/portrait-robot-du-president-de-region/)


"Centre : à qui le tour ?" - Un article de Telos


"Les régionales marquent la fin d’une séquence politique entamée lors de la dernière campagne présidentielle et marquée par l’émergence du Modem. La percée de François Bayrou était liée à l’érosion du PS et à la constitution à droite d’un parti unique que Nicolas Sarkozy avait mis au service d’une stratégie d’asphyxie du Front national. La déconfiture du Modem laisse en friches un espace politique que d’autres acteurs vont tenter d’occuper.
"

Pour lire la suite de cet excellent article, cliquez sur : http://www.telos-eu.com/fr/article/centre_a_qui_le_tour - Source : Telos*, Richard Robert, 23.03.2010



*Qu'est-ce que Telos ?

Telos est une agence intellectuelle fondée en décembre 2005. Elle est présidée par Zaki Laïdi. Regroupant universitaires et professionnels, elle aspire à répercuter sans esprit partisan les grands débats mondiaux dans un espace français livré aux passions hexagonales. L’écart qui sépare la France des autres grands pays est devenu trop préoccupant pour que nous ne nous interrogions pas sur le narcissisme de nos petites différences et sur les moyens de s’en défaire.
Telos aspire ainsi à servir de plateforme de débat entre intellectuels, de lien entre intellectuels et médias, de canal de communication entre intellectuels et public.

Telos est une agence d’inspiration réformiste. Mais elle n’est affiliée à aucun parti ou aucune institution. Les personnalités qui parrainent et animent Telos le font à titre strictement personnel.


Tous les articles de Telos sont disponibles sur : http://www.telos-eu.com/fr

dimanche 21 mars 2010

L'Université Bilgi à Istanbul : "un savant cocktail de collectivisme, de libéralisme et de camaraderie gauchiste à la sauce Bosphore"

Dans une autre vie, on aimerait étudier à l'université de Bilgi, à Istanbul. Des trois campus qui la composent, on choisirait « Santral », niché tout au fond de la Corne d'Or, sur le site de l'ancienne centrale électrique devenue, avec son espace d'art contemporain et ses deux cafés branchés, un phare culturel de la vie stambouliote. On s'inscrirait en histoire, parce que c'est une des spécialités de la fac, et pour assister aux cours de Murat Belge, une icône en Turquie. On ferait même du bénévolat auprès des habitants des quartiers - sensibles - où la fac s'est installée. Parce que c'est dans l'« esprit Bilgi ». Et comme le rappelle Ozlem, une ancienne étudiante, « on n'étudie pas ici par hasard ».

En attendant cette autre vie, il neige dru sur le Bosphore, en cette fin février, lorsque nous franchissons l'entrée du campus - en simple visiteur. Contraste saisissant entre les immeubles du quartier de Santral et les lignes pures des bâtiments de l'université : d'un côté, des garages automobiles décatis devant lesquels s'amoncellent pneus et jantes de voitures ; de l'autre, l'énorme cube de Santralistanbul (l'ex-usine transformée en musée), les rectangles fonctionnels des salles de cours et la petite maison 1900 où sont rassemblés les bureaux de l'administration. On patine jusqu'à la cafète chic et cool, dont l'enseigne - le croisement d'une faucille et d'une... fourchette - offre un bon indice sur l'« esprit » des lieux : gaucho mais pas trop, libéral (on est dans une université privée) et libertaire (toutes les décisions importantes sont prises de façon collégiale) ; frondeur, résolument international (les cours sont dispensés en anglais) et accroché à son objectif de gestion socialement responsable, puisque le gardiennage et l'entretien de la fac, pour ne citer qu'eux, sont assurés exclusivement par des habitants du quartier.

Bilgi, c'est ça : un savant cocktail de collectivisme, de libéralisme et de camaraderie gauchiste à la sauce Bosphore. Mais c'est d'abord l'idée - et l'argent - d'un homme, Oguz Ozerden. Un personnage de roman, quadragénaire attachant et pas facile à déchiffrer, avec son regard plissé fendant un visage rond, en­cadré de boucles d'ange (brunes). Issu de milieu modeste, Oguz a fait fortune un peu par hasard à la fin des années 80, quand l'industrie des télécoms a explosé en Turquie. « The right man at the right place », comme on dit. Qui se retrouve tout d'un coup assis sur une pile de millions. Et décide d'en faire profiter les autres : « J'ai d'abord pensé à un "think tank" [une cellule de réflexion, NDLR], raconte-t-il en cette fin d'après-midi neigeuse, tassé dans le canapé de son bureau, mais je trouvais qu'il manquait à Istanbul un lieu où l'on enseignerait les sciences sociales en toute liberté - alors, on a créé une fac privée. »

Si Istanbul est un train lancé à toute vapeur sur les rails de la modernité, elle le doit à quelques puissantes locomotives. Bilgi en est une. Lorsqu'elle ouvre ses portes (en 1996, après deux années de tracas administratifs), 95 % de l'enseignement supérieur turc est en effet assuré par le secteur public. Des facs parfois excellentes, comme Bilkent, à Ankara, étroitement contrôlées par le pouvoir après le coup d'Etat militaire du 12 septembre 1980 - et toujours sous surveillance dans les disciplines sensibles. Quand l'étau politique se desserre au début des années 90, avec la libéralisation de l'économie, Oguz fonce dans la brèche et convainc ses « idoles intellectuelles », des profs chassés de leur poste après le coup d'Etat, de le rejoindre ; il débauche aussi dans les facs publiques et n'hésite pas à bousculer les convenances. Il refuse de jouer les présidents de fac autoritaires ou paternalistes. Pas de « hiérarchie », tout se discute, mê­me si « les décisions doivent être prises rapidement, je suis intransigeant là-dessus ». Par ailleurs, l'université s'inscrit dans le corps d'Istanbul, et pas forcément dans ses replis les plus ragoûtants : le premier campus ouvre à Kustepe, quasi-bidonville en plein coeur de la ville.

Les bases sont posées : sus aux tabous ! C'est entre les murs de Bilgi qu'a lieu, en 2006, le premier col­loque d'historiens turcs sur le gé­nocide arménien (une expression que l'article 301 du code pénal turc interdit toujours de prononcer). Remous, pressions, manifs, menaces : les dirigeants tiennent bon et, depuis, le dialogue entre Turcs et Arméniens a fait un véritable bon. C'est ici aussi que la question kurde est le plus souvent débattue ; ou qu'est créé le premier club d'étudiants gays-lesbiens en Turquie... sans d'ailleurs que le gouvernement s'en offusque.

Oguz Ozerden a son explication : « Alors que le port du voile est interdit dans les facs, nous avons adopté une attitude tolérante : les étudiantes peuvent le garder sur nos campus tant qu'elles ne font pas de prosélytisme. Je crois que le gouvernement actuel [conservateur-islamiste] s'en est souvenu, et qu'il ferme les yeux sur certaines choses, même si elles ne lui plaisent pas beaucoup... »

Un homme, une vision, et la bonne fenêtre de tir : brelan gagnant. Trois cents étudiants s'inscrivent la première année. Ils sont aujourd'hui dix mille (auxquels s'ajoutent sept cents chercheurs et employés), et le cursus s'est élargi aux maths, à l'économie, au journalisme, à l'archi­tecture. Sans abandonner son rôle de « bélier », dans une ville-monde où les traditions ne comptent pas pour du beurre, dans une République turque où la liberté de penser se paye encore, sur les terrains mi­litaire ou religieux, en peines de prison ou en balles de plomb, comme l'a montré l'assassinat de Hrant Dink, il y a trois ans.

« Bilgi est devenue le symbole de la renaissance d'une certaine liberté de penser, confirme Murat Güvenc, le directeur du département d'architecture. Et le génie d'Oguz a sans doute été sa capacité à voir le potentiel des gens. Un tête-à-tête de dix minutes suffit : s'il vous juge doué et sincère, il vous prend sous son aile sans que vous vous en rendiez compte et vous embarque dans l'aventure. Une qualité rare en Turquie, où les gens ont beaucoup de réticences à s'investir dans des projets collectifs, surtout lorsqu'ils visent à transformer la société civile. »

Campus de Dolapdere, quarante-huit heures plus tard. Un vendeur ambulant de petits pains chauds pousse sa précieuse cargaison le long des ruelles pentues. On le suit le long d'immeubles de sept ou huit étages « posés » au bord de ravins qui semblent autant de décharges, jusqu'à l'ancienne usine de moteurs transformée en fac. Un campus aux allures de loft géant, avec ses sols de ciment rouge laqué et ses innombrables escaliers mé­talliques.

Rendez-vous a été pris au département de droit. Une discipline réputée conservatrice un peu partout dans le monde, le droit... Pas à Bilgi. Fidèle au souci d'engagement progressiste et réaliste de l'université, le département a créé cinq centres de recherche sur des problèmes que la société turque, en pleine ébullition, n'a pas réglés : l'atteinte aux droits de l'homme et aux droits des réfugiés, les discriminations, la difficulté d'accès à la justice, ou en­core le fléau de la violence envers les femmes... Des questions que les avocats et juges en herbe prennent à bras-le-corps, sous la supervision de leurs professeurs. En offrant par exemple, comme Ilcit, étudiante de quatrième année, des conseils et des cours à des prisonniers. Huit semaines de taule par an, quand même ! Ou en assurant, comme Melisa, un soutien juridique aux femmes de Dolapdere, qu'elles soient en plein divorce ou victimes de violences conjugales. Ces expériences, les étu­diants des autres facs ne les con­naissent pas : « Pour nos élèves, c'est une chance unique de comprendre que, derrière les "cas" théoriques, il y a toujours une femme ou un homme réels, explique Turgut Tarhanli, le directeur du département. Et pour nous, les enseignants, c'est une façon de rappeler à nos concitoyens que la loi ne prend pas racine dans les sphères du pouvoir, mais au coeur même de la société. Le pouvoir légal leur appartient... encore faut-il qu'ils le sachent, et qu'ils en usent ! »

Oui, Bilgi est politisée. Parce qu'elle s'investit à fond dans la vie de sa cité. Les étudiants d'économie tâtent des lois de l'offre et de la demande sur les marchés de la ville. Ceux d'archi planchent depuis des mois sur la fabrication de cartes retraçant les étapes de l'explosion démographique et du développement culturel et social d'Istanbul. Et dans son cours sur les droits de l'homme, Turgut Tarhanli réserve un trimestre à la théorie, un autre aux techniques du militantisme - organisation de manifs et stratégies de désobéissance civile comprises. Ce deuxième volet est ouvert au public stambouliote, gratis ! Ozerden, qui rêvait d'une fac « poreuse » avec Istanbul, a tenu son pari, même s'il s'empresse de relativiser ce succès : « Hon­nê­tement, je ne suis pas sûr que, malgré nos efforts, plus de 40 % des étu­­diants actuels de Bilgi soient prêts à s'in­vestir socialement ou politiquement dans une cause, lâche-t-il avec une franchise décapante. Les autres sont venus chercher un diplôme et ont déjà l'esprit ailleurs, dans leur futur business. »

40 % d'étudiants « seulement » investis dans une cause ! Sacré Oguz... Car la « porosité » de Bilgi avec sa ville est bien ce qui distingue fon­damentalement cette fac de ses consoeurs privées, qu'elles soient turques ou américaines. L'univer­sité est payante, c'est vrai, et pas donnée : 10 000 dollars par an. Comme bien des universités amé­ricaines, elle s'est constituée en fondation et vit de ses seuls deniers - ce qui, d'ailleurs, pourrait lui coûter cher. En 2006, en effet, Bilgi s'est beaucoup endettée pour créer le campus de Santral. Trop. Elle a dû, pour assainir ses comptes, s'« adosser » à un consortium américain très actif sur le terrain universitaire, Laureate. Un « partenaire » qui a vite compris le potentiel juteux qui se cachait derrière le modèle social de Bilgi, et exigé qu'on revienne sur certains principes clefs de l'aven­ture. Pourquoi embaucher les gens du quartier quand on peut faire appel à des sous-traitants ? Et ce bé­névolat des étudiants auprès de la population locale finit par coûter, n'est-ce pas ? Entré par la petite porte au conseil d'administration de la fac, Laureate pourrait bientôt en être le véritable commandant de bord et chercher, tout simplement, à rentabiliser l'affaire. Istanbul perdrait alors un joyau.

Car cette volonté de s'installer dans les quartiers populaires, le choix d'ac­cueillir 30 % de boursiers, de prê­ter ses locaux et ses équipements à toute association qui en fait la demande (pourvu qu'un employé de Bilgi se porte garant), ont rendu Bilgi unique. Quelle autre fac offre gratui­tement des cours de graff, de photo, de théâtre, de hip-hop aux 15-20 ans du quartier popu où elle s'est ins­tallée ? « Nous accueillons environ deux cents jeunes, raconte Yoruk Kur­taran, directeur du programme pour les jeunes et pilier de la scène heavy metal à Istanbul. Des garçons, des filles, des Kurdes, des Grecs, des immigrés d'Anatolie... En miniature, c'est un bon modèle de la diversité stambouliote, et de sa tolérance : ici, on chante ce qu'on veut, même du rap islamiste. Mais la règle est la même pour tous : les paroles ne doivent jamais remettre en cause le projet de vivre ensemble. » Un bon résumé de la mission que s'est fixée Bilgi, ce drôle de navire qui avance dans la Corne d'Or « comme un brise-glace, tout en douceur, mais en fracassant finalement pas mal d'obstacles », confie Halil Güven, le nouveau recteur de l'université. Et qui tire toute une ville derrière lui.

Source : Télérama, n° 3140, Olivier Pascal-Moussellard, 21.03.2010 (à retrouver sur http://www.telerama.fr/monde/la-fac-attaque,53739.php#xtor=RSS-18)

"Istanbul ouvre à l'Europe d'autres horizons et lui offre une énergie dont elle a grandement besoin"


« Je suis peut-être devenu un généraliste d'Istanbul », lâche Jean-François Pérouse, en s'excusant. Mais ce géographe, responsable de l'Observatoire urbain d'Istanbul, enseignant à l'Université Galatasaray et traducteur d'ouvrages d'Orhan Pamuk, est tout le contraire : un obsédé du détail. Chercheur et – qu'il nous pardonne – vagabond, Pérouse est arrivé sur les bords du Bosphore en 1999, pour un séjour qui devait durer six mois. Il n'est jamais reparti. Onze ans qu'il arpente la ville à la recherche de clefs sur son évolution culturelle, démographique et urbaine. La périphérie est son territoire de prédilection, le turc et le kurde sont ses langues d'adoption, il fonctionne à l'immersion. Et lutte pour qu'Istanbul, la mégapole qui croît plus vite que son ombre, soit perçue dans toute sa richesse humaine, délivrée des mythes, arrachée aux clichés colportés par les dépliants touristiques.


Comment parler d'Istanbul sans se laisser happer par la mythologie dans laquelle baigne la ville ?

Une avalanche de références picturales ou littéraires – on pense à Gérard de Nerval, à Flaubert ou à Pierre Loti – accompagne en effet le voyageur européen découvrant Istanbul. Elle le cantonne à quelques hauts lieux, comme le palais de Topkapi ou la Mosquée bleue, qui sont autant de... lieux communs. Aussi beaux soient-ils, ces sites le coupent de l'Istanbul d'aujourd'hui, mégapole contemporaine, branchée sur l'économie mondiale, habitée par des populations qui n'ont plus rien à voir avec celles rencontrées par les voyageurs, du XVIe au XXe siècle. Une nouvelle dynamique anime la ville moderne, qui tente de réinvestir son histoire, de la réinventer dans un cadre international et ultracontemporain. Il faut donc, autant que possible, faire table rase des vieilles références...


C'est ce que vous faites avec l'Observatoire urbain d'Istanbul ?

Elle a beau être la plus grande métropole du pourtour méditerranéen, cette ville reste peu connue de la recherche occidentale. Mais la France dispose depuis longtemps d'un formidable outil pour comprendre la complexité turque et sortir des « impressions » : c'est l'Institut français d'études anatoliennes, créé en 1930 par l'architecte-archéologue Albert Gabriel, et qui accueillit en son temps Georges Dumézil. Fondé en 1988 par l'Institut, l'Observatoire urbain tente de construire la mémoire récente d'Istanbul grâce à l'accumulation de données photographiques, cartographiques, et de rapports d'activités des mairies... Ce travail d'arpentage, de reconnaissance des nouveaux quartiers, me semble important pour cerner cet étalement vertigineux.


A quand remonte le basculement dans la modernité ?

On peut tracer une première ligne en 1923 : cette année-là, la République turque est proclamée, Ankara remplace Istanbul comme capitale, et l'écrivain Pierre Loti, qui a fixé dans ses livres une image désuète de la ville, s'éteint, à 73 ans. Mais la grande mutation économique, celle qui permet de comprendre la mégapole contemporaine, date du milieu des années 1980. Le tissu urbain actuel a émergé à 80 % après cette date ; l'industrie turque s'oriente résolument vers l'exportation, et cette révolution économique s'accompagne d'une révolution touristique que la Banque mondiale avait appelée de ses vœux dès la fin des années 1970. Un moment important pour Istanbul, qui redécouvre à cette occasion un passé dont le rayonnement dépasse largement le cadre de la Turquie : l'horizon des Stambouliotes s'élargit aux dimensions de la Méditerranée, des Balkans, et même du monde. Un troisième événement, enfin, transforme la ville : l'effondrement de l'URSS et l'ouverture à l'Est, qui « repositionne » Istanbul dans les courants migratoires internationaux. C'est l'époque des premiers « navetteurs » – des particuliers originaires de Pologne, de Libye, de Bulgarie, d'Ukraine... –, qui viennent plusieurs fois par an acheter des produits qu'ils revendront dans leur pays. Ce « tourisme à la valise », comme on l'appelle, à la fois religieux, familial et commercial, est encore très florissant.


D'où vient l'énergie bouillonnante que l'on ressent dans la rue ?

D'abord de cette nouvelle vocation d'Istanbul comme place commerciale internationale. Les cinq cent mille petits vendeurs de rue qui envahissent la ville participent à ce foisonnement... et forment l'envers du décor de ce qu'on a appelé un peu vite la « movida stambouliote ». Mais l'ouverture au monde, et une focalisation moins obsédée de la République sur l'Etat-nation ont aussi changé les modes de vie et de création artistique. En quelques années, on est passé de l'idée qu'il n'existait qu'une seule identité turque à l'affirmation qu'on peut être turc et kurde, turc et arabophone. Istanbul est devenue le laboratoire naturel de ces combinaisons, de cette hybridation des identités, et cela se sent, comme en témoigne la création de l'Institut kurde ou l'apparition, au cinéma, de dialogues en kurde sous-titrés en turc. La première fois, c'était en 1999, dans Voyage vers le soleil. Ce qui semble banal aujourd'hui ne l'était pas il y a dix ans.


La politique culturelle de la ville favorise-t-elle ce bouillonnement ?

Il faut plutôt parler « des » politiques culturelles, car elles sont menées par des institutions, des réseaux et des mouvances idéologiques souvent concurrentes. D'un côté, les acteurs publics locaux, notamment la mairie d'Istanbul, véritable Etat dans l'Etat avec treize millions d'administrés et un budget supérieur à celui de certains pays des Balkans : son action culturelle repose sur l'éducation et la formation, et fonctionne selon un système de valeurs très clairement conservatrices. Elle réalise par exemple un gros travail auprès des femmes et des jeunes, axé sur l'acquisition de savoir-faire artisanaux. Objectif : permettre aux femmes d'acquérir une compétence, c'est-à-dire potentiellement un revenu, donc une relative autonomie... et s'assurer en même temps de leur adhésion à une culture qui les maintient dans un certain rôle, centré sur la famille. Idem pour les jeunes : les cours de langue et d'informatique, l'accent mis sur l'alphabétisation sont évidemment des objectifs louables. Mais cette éducation, qui valorise le passé ottoman et l'histoire plus récente de la République, vise l'adhésion de tous à une certaine idée de la nation. Régulièrement, les habitants d'Istanbul, dont 60 % sont nés hors de la ville, sont invités par des campagnes à se réapproprier leur histoire, sur le thème « devenez stambouliote »...


On trouve aussi, surtout dans le centre, beaucoup de galeries privées, de théâtres ou de lieux de concert branchés ...

C'est une autre facette de la vie culturelle, privée ou semi-privée, liée à des fondations rattachées à des groupes industriels. De jeunes artistes étrangers sont invités pour des séjours durables, les galeries d'art se multiplient et le théâtre offre d'excellents programmes, même s'il est de plus en plus contaminé par les séries télévisées ! Malheureusement, ce secteur privé milite pour l'alignement d'Istanbul sur des productions internationales standardisées et reste aveugle au potentiel créatif de la population. Il vit sur le fantasme de l'Istanbul légendaire ou sur des références étrangères sélectives, essentiellement les Etats-Unis et l'Europe occidentale. Or, ce qui fait l'intérêt d'Istanbul, c'est aussi le statut de la littérature orale, de la poésie ou de la musique, des pratiques culturelles peu visibles, mais très répandues. Une soirée entre étudiants, par exemple, se termine toujours par des contes et des chants. Dommage qu'il n'y ait pas de langue commune entre les sphères publique et privée : un des grands enjeux des prochaines années sera de construire des ponts entre elles.


Que devient la Corne d'Or, l'estuaire autour duquel la ville historique s'est constituée, dans ce réaménagement ?

Elle est révélatrice des mutations récentes d'Istanbul et de l'attention des pouvoirs publics à l'environnement et à l'histoire. Il y a vingt ans, les classes aisées la fuyaient. Aujourd'hui, on assiste à une reconquête symbolique et physique du site. On valorise le passé juif ou grec orthodoxe du pourtour de la Corne, et le siège régional du parti au pouvoir, l'AKP, comme celui de la grande association patronale turque s'y sont établis. Ils ont été rejoints par l'espace d'art contemporain SantralIstanbul et le parc Miniatürk. Bref, d'un cloaque qu'on fuyait, la Corne d'Or est devenue une scène qu'on revendique, et ce n'est pas un hasard si la grande cérémonie d'inauguration d'Istanbul 2010 a eu lieu là-bas. Mais je crois que la ville contemporaine se construit plutôt à partir des périphéries. A trop se focaliser sur le centre historique, en rêvant de grandeur passée, on se coupe de la ville véritable, de cette dynamique du remploi permanent, de cet art de faire, de défaire, de refaire...


Pour les écrivains voyageurs d'hier, d'Andersen à Hemingway en passant par Melville, Flaubert et bien sûr Loti, Istanbul était une extraordinaire mosaïque culturelle, linguistique et religieuse. Est-ce toujours le cas ?

Les minorités jouent le premier rôle dans le réveil culturel d'Istanbul. Mais il faut s'entendre sur les termes : en Turquie, il n'est de minorités officiellement reconnues que religieuses, pas linguistiques, et leur recensement date du traité de Lausanne, qui remplace le traité de Sèvres et donne naissance à la Turquie moderne en 1923... Les juifs, les catholiques, les Arméniens grégoriens et protestants font donc l'objet d'une réinsertion visible dans la vie économique et touristique, comme en témoignent les célébrations du 500e anniversaire de l'accueil, par l'Empire ottoman, des juifs chassés par les rois catholiques de la péninsule Ibérique. En revanche, les chrétiens d'Orient, pas assez puissants à l'époque du traité, et les églises néoprotestantes, plus récentes, réclament en vain d'être reconnues officiellement.


Istanbul n'a donc pas perdu sa richesse multiculturelle ?

Non, mais ce multiculturalisme ne fait pas un « cosmopolitisme ». Le nombre d'étrangers vivant sur les rives du Bosphore est extrêmement limité et la comparaison avec New York est exagérée. Si on se réfère aux débuts du XXe siècle, Istanbul est finalement très « turque », malgré la diversité de sa population originaire de toutes les régions du pays et porteuse de coutumes et de façons de parler différentes.


Une diversité qui se manifeste notamment chez les femmes stambouliotes, dans les comportements, les tenues...

Le débat sur la place des femmes est pris en charge par les femmes elles-mêmes, et le dialogue entre des conceptions qui pourraient nous sembler antagonistes, mais qui ne le sont pas, est particulièrement riche. Bien sûr, l'émancipation n'est pas réussie partout : la Turquie est le pays de l'OCDE où le taux d'activité féminine est le plus bas, et, pour celles qui viennent de lointains villages, la ville est souvent synonyme d'« enfermement », leur vie à Istanbul s'articulant essentiellement autour de la maison. Il existe aussi des blocages plus anthropologiques, liés notamment à la domination masculine, qui peut prendre des formes multiples, comme l'obligation du port du voile. Il faut pourtant se méfier des apparences et se garder des caricatures : à Istanbul, le voile masque une multitude de stratégies. J'ai rencontré des femmes qui portaient la burqa pour aller mendier, et ça ne les empêchait pas de me raconter des blagues lorsqu'elles avaient fini leur journée. Une jeune fille peut porter le voile un temps – pour donner des gages à sa famille, par exemple, et mieux négocier le droit de sortir le soir – et le laisser tomber plus tard. Et de fortes têtes, intellectuelles, journalistes ou artistes, ont beau revendiquer le voile, il serait aberrant de les croire soumises à la domination masculine. Pour elles, il peut tout simplement être un signe de distinction.


Istanbul a reçu cette année le label « capitale européenne de la culture » de l'année – un signe fort pour la Turquie, qui veut rejoindre l'Union européenne. Son « européanité » ne fait-elle plus débat ?

Ce choix est d'abord un acte politique – la volonté d'inscrire le pays dans l'agenda culturel européen – et économique : il assure la promotion de la ville sur le marché des destinations touristiques. Mais la question fait toujours débat : le ministère de la Culture turc et la mairie d'Istanbul ont organisé un colloque pour déterminer ce qu'était, au juste, la culture européenne. Il a abouti à des trivialités. Car l'« européanité » est constitutive de l'histoire d'Istanbul. Mais ce que ce mot recouvre varie, selon qu'on choisit telle époque ou tel événement de son histoire. Le véritable intérêt de ce « label » est qu'il permet à la ville de se familiariser avec d'autres pratiques politiques ou sociales – la conception de l'individu, de la citoyenneté, du rôle des femmes, des droits sociaux, de l'environnement, du patrimoine... De son côté, l'Europe doit aussi comprendre qu'Istanbul lui ouvre d'autres horizons et lui offre une énergie dont elle a grandement besoin. Ce qui suppose de sortir d'une vision « exotisante » de la ville, et condescendante de la Turquie. Une petite révolution copernicienne, en somme.

Source : Télérama, n° 3140, Olivier Pascal-Moussellard, 20.03.2010 (à retrouver sur http://www.telerama.fr/monde/jean-francois-perouse-istanbul-offre-a-l-europe-une-energie-dont-elle-a-besoin,53738.php#xtor=RSS-18)

"Stambouliotes insoumises"


Sur la toile, une femme nue nous toise, un enfant blotti entre ses cuisses généreusement ouvertes. En arrêt devant elle, deux jeunes Stambouliotes, voilées, pouffent de rire. Sont-elles choquées ? Conquises ? C'était fin février, dans l'une des nombreuses galeries d'art qui jalonnent la longue artère piétonnière d'Istiklal, coeur de la movida stambouliote, le temps d'une rétrospective consacrée à Semiha Berksoy (1910-2004), cantatrice turque légendaire, diva, peintre reconnue et, surtout, femme libre et foncièrement pionnière. Entre les étudiantes voilées et l'extravagante Semiha, qui n'hésitait pas à se faire photographier nue à plus de 90 ans, un monde. Ou un aperçu des
«incroyables contradictions qui résument aujourd'hui le statut des femmes d'Istanbul », comme dit l'universitaire Hulya Tanriöver, spécialiste des médias et des femmes... Complexe, diverse, cacophonique, la mégapole est à l'image de ses habitants, mais peut-être plus encore de ses habitantes...

Patrick Swirc pour Télérama


La comédienne Esmeray

Quartier de Beyoglu, à deux pas d'Istiklal Caddesi, sur laquelle déambulent trois millions de passants chaque jour, dit-on. Dans une petite salle de théâtre aux briques rouges, au deuxième étage d'un immeuble au charme décrépit, les rires fusent. Sur scène, une comédienne en peignoir satiné, qu'on jurerait tout droit sortie d'un film d'Almodóvar, joue Une femme seule, de Dario Fo, histoire kitsch et drolatique d'une femme au foyer au bord de la crise de nerfs avec douze enfants, mari jaloux, beau-frère handicapé mais actif sexuellement, voisin voyeur et amant envahissant. « Une parabole de ma vie, non ? » plaisante Esmeray, la quarantaine rousse et vedette comblée de la soirée. « Je suis kurde, transsexuel et féministe ! Autant dire que je suis baisée de tous les côtés. »

Figure de la scène alternative stambouliote, Esmeray s'est fait connaître avec un stand-up décapant où elle racontait son parcours de garçon kurde, né dans un village de l'Est turc, et devenu femme à Istanbul, puis ses années de galère comme prostituée -« impossible de trouver un autre travail quand on est transsexuel», et son engagement féministe. Gonflé, dans un pays censé compter le plus de travestis et transsexuels après le Brésil mais qui « continue à les considérer comme des monstres », où les transsexuels se font régulièrement violenter par les forces de police. Mais Esmeray ne lâche pas. L'an dernier, elle s'est pourvue en justice après s'être fait agresser par deux policiers, devant un commissariat de Taksim, une « quasi-première en Turquie, car les transsexuels ont peur de porter plainte ». Elle milite « pour un changement des mentalités ». Combat difficile, reconnaît-elle, « tant la crispation est grande, depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP, sur la question de l'homosexualité, des minorités sexuelles. Nous sommes toujours dans une démocratie illusoire. Mais ça avance, peu à peu. » Le 8 mars dernier, Journée des femmes, le quotidien Hürriyet consacrait un article à Esmeray. Signe que les temps changent ?


La couturière Rabia Yalçin

Des couturiers turcs, les fashionistas françaises connaissent surtout Dice Kayek, Hussein Chalayan et les étiquettes « made in Turkey ». Beaucoup moins Rabia Yalçin, 44 ans, et son credo « on peut être féminine et voilée ». Ce jour-là, dans le vaste sofa de sa boutique aux murs immaculés, la raffinée Rabia incarne sa devise jusqu'au bout des ongles, qu'elle a impeccablement manucurés : silhouette fine et toute de noir vêtue, talons aiguille, visage de madone encadré par un voile couleur de brume aux découpes précieuses. Disséminés à travers les deux grandes pièces, fourreaux de sirène rebrodés de pierreries, robes-bustiers au drapé d'inspiration ottomane, tailleurs pour femmes d'affaires sophistiquées content le « Rabia style », « pont entre l'Ouest et l'Est ».

« La Turquie a beau être quatrième productrice mondiale de vêtements, l'offre reste limitée pour les femmes voilées. » Lancée il y a quatorze ans, sa griffe de haute couture a ouvert « une autre voie », désormais en phase avec les valeurs portées par l'AKP et une nouvelle bourgeoisie pieuse, en pleine ascension sociale et économique, qui a fait du voile un élément de prestige... et un nouvel objet esthétique. « Nos clientes ont plus de moyens matériels et, surtout, l'envie de suivre la mode. » Grâce à elle, elles peuvent désormais arborer un foulard de marque. Ou le porter en étole, « car 60 % de mes clientes sont non voilées », précise Rabia Yalçin, qui s'apprête à lancer une ligne de prêt-à-porter et rêve d'habiller son « icône », Angelina Jolie.


La journaliste Ayse Böhürler

Maslak, tout nouveau quartier d'affaires d'Istanbul, avec ses gratte-ciel, ses sièges de banques et de médias, ses résidences de luxe ultra sécurisées. C'est au coeur de ce « Wall Street » stambouliote qu'Ayse Böhürler a choisi d'installer sa maison de production, Ajansy Media, qui fournit reportages et documentaires pour les chaînes turques. Une adresse en forme de symbole pour cette journaliste de 47 ans, membre fondatrice de l'AKP (le parti issu du mouvement islamiste au pouvoir depuis 2002) et qui fut l'une des premières à affirmer haut et fort son identité de « femme libre ET voilée ». Car pour emménager à côté des pubards de TBWA et de ses executive women en tailleur sexy, Ayse Böhürler a bataillé. Contre la République laïque et « son discours officiel et uniforme »« pour être moderne, tu ne peux pas être voilée ! ». Contre sa famille, qui ne comprenait pas qu'elle se « restreigne » tant il reste difficile de faire carrière en se couvrant. Et contre son propre camp, pour qui une femme voilée doit rester claustrée à la maison, au nom d'une « modernité interdite ». « Combien de fois ai-je entendu cette phrase: quelle musulmane es-tu ? »

Son austère tunique noire, tout juste égayée d'un voile graphique et d'un sous-pull gris assorti aux murs du bureau, abrite un caractère déterminé. Forgé, dit-elle, à la lecture de Simone de Beauvoir. « Je lui dois beaucoup, pas en matière de religion bien sûr, lâche-t-elle dans un rare sourire, mais pour la liberté qui se dégage de ses oeuvres. Elle m'a appris qu'il fallait tenir tête ! » Tête couverte, pour revendiquer une vie professionnelle, sociale, politique et faire du voile un instrument de différenciation et « l'expression d'une nouvelle modernité musulmane ».

Aujourd'hui, l'air du temps a changé. Ayse Böhürler constate « une plus grande tolérance vis-à-vis du turban ». Mais n'a toujours pas de carte de presse, faute d'avoir accepté de donner une photo d'elle découverte. Une poignée de femmes l'ont rejointes, fortes têtes journalistes et intellectuelles, qui « contribuent à une voie de sortie, un apaisement ». « Mais nous restons une minorité, en lutte quotidienne. La situation est paradoxale : la société s'est habituée au voile, mais le problème s'amplifie des points de vue politique et juridique. C'est devenu un tel noeud entre laïcs et musulmans ! J'ai peur qu'il n'y ait jamais de solution. »


L’animatrice culturelle Simge Gücük

« Le statut de la femme en Turquie me met souvent hors de moi ! » Simge Gücük a 28 ans, de faux airs de Romane Bohringer et de l'énergie à revendre. Parce que « la culture est un des meilleurs moyens pour empoigner les questions sociales et politiques », elle s'est embarquée dans l'aventure de Garajistanbul, véritable garage (sur deux étages) et... étonnant laboratoire de création contemporaine (au rez-de-chaussée) à la ligne de programmation bien affirmée : politique et poétique. Un pari fou, initié en 2007 par le couple de metteurs en scène Övül et Mustafa Avkiran, et remporté haut la main puisque ce vaste espace à l'ambiance Factory est devenu LE premier centre d'arts vivants contemporains en Turquie, sans aucune aide de l'Etat.

Au programme, théâtre, danse, littérature et depuis l'an dernier « un festival spécialement consacré aux violences faites aux femmes », dont la programmation est assurée par Sim­ge Gücük. Volontiers provocante, l'équipe du Garajistanbul pose des questions taboues - qu'est-ce que le clitoris ? qu'est-ce que l'honneur ? (pour évoquer le fléau des crimes d'honneur)... -, alterne spectacles, concerts, interventions d'activistes féministes. L'an dernier, le festival était dédié à Ceylan Önkol, fillette kurde de 12 ans tuée par l'armée turque. « Histoire de ne pas oublier ce crime, parmi les milliers d'autres jamais résolus, et dont les femmes restent, hélas, les principales victimes. ».

Source : Télérama, n° 3140, Weronika Zarachowicz. 20.03.2010 (à retrouver sur http://www.telerama.fr/monde/stambouliotes-insoumises,53740.php)

vendredi 12 mars 2010

Colloque "Turkey between Nationalism and Globalization" à Sciences Po Paris les 25-26 mars 2010


Thursday 25 March 2010 : Presentation and Opening

Aydin Ugur – Istanbul Bilgi University
Christian Lequesne – Directeur du CERI-Sciences Po
Riva Kastoryano – Sciences Po-CERI/CNRS

Keynote Speaker: Kemal Dervis - Former administrator of UNDP - Director, Global Economy and Development, Brookings Institution



Friday 26 March 2010


1) Historical Perspectives of Turkish Nationalism

Chair: Pierre Birnbaum – Université Paris 1
Erik-Jan Zürcher – International Institute of Social History in Amsterdam: Why was the Republic of Turkey Proclaimed so Late?
Umut Ozkirimli – Istanbul Bilgi University: Mapping Nationalism in Turkey: Actors, Discourses and the Struggle for Hegemony
Cemil Kocak – Sabanci University: Kemalist Nationalism in Turkey
Ayhan Aktar – Marmara University: 'Tax me to the end of my life!'. Anatomy of an Anti-minority Tax Legislation, 1942-43

Discussant: François Georgeon – EHESS


2) Islam and Nationalism in Turkey

Chair: Riva Kastoryano – Sciences Po-CERI/CNRS

Jenny White – Boston University: The Two Faces of Muslim Nationalism
Kenan Çayır – Istanbul Bilgi University: The New Voices, New Subjectivities and the Changing Discourse of Islamism
Binnaz Toprak – Bahceşehir University: The Changing Role of Political Islam in Turkey
Elisabeth Ozdalga – Swedish Research Institute in Istanbul: Religious and National Identities as Reflected in Imaginative Literature

Discussant: Jean-François Leguil-Bayart – Sciences Po-CERI/CNRS


3) Who is a Turk? Question of Citizenship and Minority in the Prism of Nationalism

Chair: Anne-Marie Le Gloannec – Sciences Po-CERI

Aron Rodrigue – Stanford University: Millets to Minorities: Ottoman Legacies, Republican Challenges?
Haldun Gülalp – Yildiz Tecnical University: Normative Foundations of the Limits to Participatory Citizenship
Samim Akgönül – University of Strasbourg: Nation Building Process in Turkey and Religious Minorities: Between Legal
Citizenship and National Belonging

Discussant: Alain Dieckhoff – Sciences Po-CERI/CNRS


4) Nationalism and Civil Society: Within and Without Borders

Chair: Jean Leca – Sciences Po

Tanil Bora – İletişim Yayincilik: The « White Turk » Trendy, Cool and Nationalist
Ayhan Kaya – Istanbul Bilgi University: Accommodation of Islam in Western Europe: Individualization vs.
Institutionalization of Islam
Rusen Cakir – Vatan daily Newspaper: The Future of Kurdish “Opening” in the Shadow Turkish and Kurdish Nationalisms
Ferhat Kentel – Sehir University: Nationalisms in Everyday’s Life : Reconstructions of Borders Against and Within
Authoritarianism

Discussant: Riva Kastoryano – Sciences Po-CERI/CNRS


Source : http://www.ceri-sciences-po.org/reunion_affiche.php?id=44

mardi 9 mars 2010

Pourquoi le Nigeria a explosé ? Une poudrière ethnique et religieuse


Le 7 mars, la région de Jos a été le théâtre de nouveaux massacres. Quelque 500 personnes ont trouvé la mort dans des violences intercommunautaires que le pays ne parvient pas à endiguer.


Près de 500 personnes ont été tuées dans cet acte abominable perpétré par des éleveurs fulanis”, explique Dan Majang, responsable de la communication de l’Etat du Plateau. Il précise que 95 personnes ont été arrêtées. Selon les habitants, les victimes, parmi lesquelles de nombreuses femmes et enfants, ont été tuées à la machette. D’après plusieurs sources locales, les attaques ont été conduites de manière coordonnée dans la nuit du 6 au 7 mars par ces éleveurs de confession musulmane, contre trois villages de l’ethnie berom, majoritairement chrétienne, au sud de la ville de Jos. Cette région est régulièrement touchée par des flambées de violences religieuses ou ethniques. En janvier, plus de 300 personnes ont été tuées lors d’affrontements entre chrétiens et musulmans. Ces heurts ethniques et interreligieux ne sont pas nouveaux. Société extraordinairement hétérogène, le Nigeria compte, selon le recensement de 2006, quelque 140 millions d’habitants représentant plus de 400 groupes linguistiques et environ 300 groupes ethniques.

De 1914 à 1960, sous le joug colonial des Britanniques, le pays n’a pourtant utilisé que l’anglais comme langue véhiculaire. Actuellement, les expressions les plus visibles de la diversité y sont la langue, l’identité ethnique, la religion, les clivages entre majorité et minorité et l’“ethnicité régionale”. Dans un Etat comme celui du Plateau, il n’est pas rare d’entendre 10 idiomes différents dans un rayon de 20 kilomètres, et la langue représente un élément clé du groupe ethnique. Chaque région abrite de nombreux groupes minoritaires possédant leur identité propre. De plus, on y compte trois religions : les cultes traditionnels africains, le christianisme et l’islam.

La diversité a toujours constitué une préoccupation administrative au Nigeria. Toutefois, la nature même de l’administration coloniale, qui a régionalisé le pays en 1939, a fait en sorte que les groupes nigérians ont continué de coexister tout en ayant fort peu de contacts les uns avec les autres. En 1951, dès que les Britanniques ont commencé à envisager leur départ, les nationalistes se sont mis à comploter pour s’emparer du pouvoir politique abandonné par les anciens colonisateurs, se repliant sur leurs bases ethniques et ethnorégionales pour mieux organiser leur lutte. Dès lors, dans de nombreuses régions entre 1951 et 1959, les principaux groupes ethniques se sont dressés les uns contre les autres. Au bout du compte, le climat de suspicion et de peur régnant entre les divers groupes a conduit en 1954 à l’adoption du fédéralisme pour tenter de gérer la situation. Jusqu’à la fin des années 1970, la religion ne constituait pas une source de tensions sérieuses. Mais d’un jour à l’autre, la religion a fait irruption dans le discours politique. La tentative des musulmans d’étendre la charia au-delà des questions personnelles et de celles liées à l’héritage, et d’instaurer une cour d’appel fédérale fondée sur le droit islamique, a été vivement contestée par les chrétiens. En guise de compromis, des tribunaux islamiques et coutumiers ont été instaurés uniquement dans les Etats qui le souhaitaient.

La cour d’appel fédérale a dû engager trois juges formés dans le domaine de la charia et du droit coutumier, et les faire siéger conjointement avec des juges appliquant la common law [le droit commun]. Un tel compromis se serait sans doute révélé plus difficile à trouver dans un système unitaire. En 1986, cependant, la nouvelle selon laquelle le Nigeria allait rejoindre l’Organisation de la conférence islamique (OCI) a déclenché une nouvelle crise, surtout entre chrétiens et musulmans. Réaffirmant sa neutralité confessionnelle, le pays ne s’est pourtant pas retiré de l’OCI. Entre 1980 et 2005, on a recensé plus de 45 conflits violents de nature confessionnelle, au cours desquels des vies humaines ont été sacrifiées et des biens saccagés. Les tensions n’ont cessé d’empirer, notamment lorsqu’en 2000 l’Etat de Zamfara a étendu la charia aux questions pénales. Douze Etats du Nord lui ont rapidement emboîté le pas en adoptant, eux aussi, la loi islamique. La violence engendrée par l’introduction de la charia dans l’Etat de Kaduna a provoqué des effusions de sang dans le sud-est du pays. Son application ne s’est cependant pas étendue aux autres Etats, en raison de la structure fédérale du Nigeria et de l’autonomie de ses unités constituantes.

Un autre facteur de conflit tient à la répartition des ressources. Les redevances du pétrole et du gaz, dont le Nigeria est tellement dépendant, proviennent pour l’essentiel du delta du Niger, une zone où prédominent les minorités et qui englobe plusieurs Etats : Delta, Edo, Akwa-Ibom, Cross River, Rivers et Bayelsa. Se sentant trahis et abandonnés depuis des années, ces Etats ont accusé le gouvernement central de détourner leurs ressources au profit du développement d’autres zones, menaçant de reprendre le contrôle de leur production.


Source : Courrier International, rubrique Afrique, 09.03.2010 (à retrouver sur http://www.courrierinternational.com/article/2010/03/09/une-poudriere-ethnique-et-religieuse)

Turkey to protect architect Sinan's works in 40 countries... what about other historical legacies?


The Turkish Presidency and the Culture Ministry have begun an international project to preserve buildings constructed by the master Ottoman architect Sinan, with plans for the restoration of his works in 40 countries where the Ottoman Empire once ruled. Some experts, however, worry the project is neglecting the works of other important architects.


Although Turkey has launched a new project to preserve and restore the works of master Ottoman architect Sinan in 40 different countries, some experts have criticized the project, saying other historical legacies are being neglected.

The project, which will be carried out in 40 countries in which the Ottomans once had a presence, is being headed by Hagia Sophia Museum Chairman and Ottoman specialist Dr. Haluk Dursun with support from the Culture and Tourism Ministry.

At the same time, officials announced the formation of an Architect Sinan Foundation under the auspices of the Presidency.

Dursun said Syria and Greece had also given support to Turkey for the project in an interview with the Hürriyet Daily News and Economic Review. Sinan’s best-preserved works are in Syria, Yemen and the Bulgarian city of Plovdiv, according to Dursun.

Noting that the idea for the project emerged a few years ago, the researcher said he and a team of experts visited the different countries to assess the works of the master architect.

Extensive restoration work for Sinan’s buildings that are in severe disrepair will begin as soon as official permission is granted by the relevant authorities.


‘Only mosques are being protected’

Sinan was born in the Ağırnas village of the central Anatolian province of Kayseri. The future chief architect of the Ottoman Empire created his first works by making formations out of “kevenk” stones, a type of soft volcanic rock found in Kayseri, when he was a child.

Sinan, who is said to be the child of an Armenian or Greek family from Kayseri, was drafted into the Janissaries, an Ottoman infantry corps. The sons of Christian families living within the empire were often taken from their families, converted to Islam and educated in the guild of the Janissaries.

Dursun said there has been much discussion of Sinan’s ethnicity, but that these debates largely served no purpose. “There is nothing more natural than different ethnicities in an empire. Discussions on ethnicity are meaningless. Sinan is a value to this land.”

Istanbul Technical University Faculty of Architecture member Afife Batur, however, criticized Dursun’s sole focus on Sinan. “Yes, Sinan is a significant name in terms of the history of architecture. It cannot be denied. But why are Sinan’s works taken under protection but not the works of the other architects before and after Sinan?”

Demanding an extension of the preservation project, Batur said: “I would prefer that such a comprehensive project implemented under the auspices of the Presidency included the whole of the history of our architecture. But I should ask why all of Sinan’s works within the borders of Turkey, except mosques, are devastated. Is there a project for them?”

Istanbul University member and Byzantine Art history expert Associate Professor Asnu Bilban Yalçın said she did not agree with Batur’s views, adding that Turkey had done its best to preserve the works of other architects for future generations.

She said UNESCO and European Union initiatives had made an important contribution to Turkey’s protection of its historical artifacts.


‘Worst damage done to ourselves’

Dursun said the protection of a historic structure was generally related to whether it had a continuing function in the present day. “If the structure is a mosque, it means this structure is still alive. This is what function means.” Other Sinan works, such as caravanserais, have meanwhile been reborn as cultural centers.

Noting that Sinan’s buildings had been placed into religious and secular categories, Dursun said the architect’s buildings had been neglected in Muslim countries, including Turkey. “The main reason for this is to deny and ignore the Ottomans and their heritage. Not only Arabic countries, but also we have also done the worst amount of damage to ourselves by ignoring the Ottomans.”

The researcher, whose own work has actually focused primarily on Sinan’s non-religious buildings, including Turkish baths, khans and caravanserais, said the project would take many years to complete.


Source : Hurriyet Daily News,Vercihan Ziflioğlu, 08.03.2010 (à retrouver sur www.hurriyetdailynews.com/n.php?n=turkey-to-trace-architect-sinan-in-40-countries-2010-03-07)

vendredi 5 mars 2010

Le piège tendu par Obama



Source : The Daily Beast, rubrique The Week in Cartoons, 05.03.2010 (
à retrouver sur
http://www.thedailybeast.com/blogs-and-stories/2010-03-04/billboards-of-hate/?cid=hp:mainpromo1#gallery=1396;page=1)

Du gospel au rock en passant par le reggae et le folk ... Ben Harper


Benjamin Chase « Ben » Harper (né le 28/10/69 à Claremont, Californie) est un guitariste, auteur, compositeur et chanteur américain, accompagné de différents back bands (The Innocent Criminals, The Blind Boys of Alabama, Relentless Seven) avec lesquels il pratique une musique mixant les influences folk, blues, gospel, rock, funk et reggae. Depuis 2008, Ben Harper s'est lancé dans un nouveau projet musical vers un son plus rock au sein du groupe Relentless7.

La vidéo (10:51) de leur prestation au
Jazz Festival de Montréal à retrouver ici :
http://www.youtube.com/watch?v=9PXke7vF2Uc
Why Must You Always Dress in Black / Red House (Jimi Hendrix)


Le site officiel de Ben Harper : http://www.benharper.com/
Biographie Wikipedia (en français) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ben_Harper