Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a pressé aujourd’hui les Etats-Unis et la Russie d’accepter l’accord tripartite du 17 mai 2010 (qui prévoit un échange de combustible nucléaire produit par l’Iran contre de l’uranium enrichi à 20%), en expliquant à Washington et à Moscou qu’il s’agissait là de «leur dernière chance» de résoudre pacifiquement le conflit qui les oppose à Téhéran.
Lundi 24 mai, l’Iran a d’ailleurs notifié cet accord à l’AIEA, mais hier la Secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a estimé que ce document présentait un certain nombre de lacunes. Un expert occidental a notamment montré que le projet d’échange prévu était irréalisable, car il fixe un délai d’un an pour la livraison de 120 kg d’uranium enrichi à 20% à l’Iran, alors même qu’il faudrait près de 2 ans pour produire une telle quantité de combustible nucléaire.
Entretemps, Recep Tayyip Erdoğan, qui est parti hier pour une tournée en Amérique du Sud, qui doit commencer par un séjour au Brésil où il doit participer à la 3e réunion de l’Alliance des civilisations, a poursuivi sa campagne de promotion de l’accord tripartite. Lundi, il a eu un entretien téléphonique avec Nicolas Sarkozy pour tenter de le convaincre de soutenir l’accord. Mais si le président français a remercié la Turquie et le Brésil pour leurs efforts, il a redit que, pour que l’échange en question puisse se faire, il fallait que l’Iran abandonne son projet de produire de l’uranium enrichi à 20%. Les Etats-Unis pour leur part continuent leurs démarches pour mettre sur pied un nouveau programme de sanctions contre l’Iran. Outre l’accord des pays européens, Washington semble pouvoir compter sur le soutien de la Russie et de la Chine, mais cette dernière a dit hier que “les discussions au Conseil de sécurité sur le dossier iranien, pour le vote de nouvelles sanctions, ne signifiaient pas la fin des efforts diplomatiques”
Les derniers développements de la question nucléaire iranienne interviennent au moment où les experts s’interrogent plus que jamais sur les risques de prolifération nucléaire au Moyen-Orient. Alors qu’Israël, qui n’adhère pas au TNP est officieusement le seul détenteur de l’arme nucléaire dans la région, l’affaire iranienne a relancé les interrogations sur les intentions de pays voisins qui pourraient se doter d’installations et de technologies leur permettant de fabriquer une arme nucléaire. Bien que théoriquement favorables à une dénucléarisation du Proche-Orient, la Turquie, l’Egypte et l’Arabie saoudite sont entrées dans le jeu à des degrés divers.
L’Egypte, en particulier, qui dispose des connaissances nécessaires pour conduire un programme nucléaire civil et qui avaient gelé ses projets atomiques, il y a 20 ans, a annoncé en 2007 la construction de plusieurs centrales. L’Arabie Saoudite, qui ne possèdent pas d’installations nucléaires et n’est pas en mesure d’en construire actuellement, pourrait toutefois acquérir l’arme nucléaire grâce à son allié pakistanais. Enfin, la Turquie vient de signer avec la Russie un accord qui lui permettra de construire sa première centrale nucléaire et elle est en négociation avec la Corée du Sud pour la construction d’une seconde installation nucléaire. Cet engouement pour l’atome s’explique sans doute par le prochain tarissement des ressources pétrolières et la nécessité, ici comme ailleurs, de trouver des énergies de remplacement. Mais, à plus court terme, nombre d’experts redoutent également que la stratégie actuel de l’Iran justifie par la suite l’arrivée de ces puissances sunnites, inquiètes de la perpective d’une “bombe chiite”, dans le club fermé des détenteurs de l’arme nucléaire. En outre, en septembre 2007, un “mystérieux” bombardement israélien sur la Syrie, à partir de la Turquie (qui avait alors protesté), qui aurait visé un site nucléaire en construction, a révélé que Damas, qui de surcroît entretient des bonnes relations avec Téhéran, était probalement aussi concernée par cette fièvre nucléaire moyen-orientale.
Ainsi, la manière de gérer la crise iranienne a une importance capitale pour l’avenir du Moyen-Orient car, les avancées technologiques de l’Iran dans la production d’uranium enrichi, pourraient déboucher sur un phénomène de prolifération nucléaire, les rivaux sunnites potentiels de l’Iran et d’Israël cherchant à se doter d’une technologie comparable pour sanctuariser la région. Dans cette affaire, le Brésil, qui sera capable de produire sur son sol de l’uranium enrichi, en 2015, en quantités industrielles, pourrait bien faire d’une pierre deux coups, affirmant à la fois ses prétentions sur la scène internationale et se positionnant sur un marché nucléaire appelé à se développer.
Source : Blog de l'OVIPOT, Jean Marcou, 26.05.2010 (URL : http://ovipot.blogspot.com/2010/05/laccord-tripartite-et-la-question-de-la.html)
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